tout d’un coup. Ou plutôt si ! Ce soir-là j’ai senti que cette amitié dont tu parles dans ta lettre
n’avait pas changé, qu’elle était simplement l’aînée de celle que nous éprouvions l’un pour l’autre
déjà en lançant dans l’antichambre de l’avenue Hoche des avions en papier.
...
je crois pourtant que notre amitié est née d’une très ancienne sympathie indéfinissable et irraisonnée. Je suis
heureux (mais nullement étonné) qu’elle se soit renouvelée et que nous ne soyons pas déçus réciproquemment. ...
Tu me demandes de te parler d’Odile. ... Elle nous a fait bonne impression en ce sens qu’elle se porte bien et paraît avoir un excellent moral.
Cependant elle ne se livre pas beaucoup et ne raconte pas ce qu’elle fait. ... elle cherche activement (Unesco ou Banques anglaises) une situation stable. ... Je crois qu’elle a l’intention de se subvenir
à elle-même dans la mesure du possible. Y réussira t’elle ?
Je ne crois pas que tu aies lieu d’être inquiet. Ma bonne impression d’Odile se base évidemment sur des
impondérables extérieurs car elle s’entoure toujours d’autant de mystère. Pourtant il me semble que si elle n’a
pas trouvé une bonne voie elle n’en a pas pour cela pris une mauvaise. ...
Ainsi vieux
tu songes à sauter le pas. Mes bons vœux t’accompagent et je te souhaite un
mariage d’amour. Je suis sûr que tu peux rendre une femme très heureuse et que le bonheur que tu lui donneras
décuplera le tien propre. Souviens-toi que l’amour ne s’analyse pas, ne pèse pas trop le pour et le contre. Surtout
veille à ne jamais déconcerter la jeune fille que tu choisiras par cette pointe d’humour un peu crue que tu affectionnes.
Aux femmes il faut plus se montrer tel qu’on voudrait être que tel qu’on est. Leur imagination féconde
aidant, elles font de nous quelque chose de très bien qu’elles commencent par admirer et si Vénus est propice qu’elles
finissent par admirer. …
Merc.7 juin 1950.- De Ghislaine, Santiago à Monique, 3 rue Ernest Cresson : ... Tu sais que Tilo a été nommé
gérent de la S.Agrícola del Maipo ; le Marco se vend ! C’est Ricardo Lyon qui a suggéré le 1er
l’idée de proposer Tilo. Et le seul qui s’y est opposé d’une façon catégorique et très désagréable a été
naturellement le cher « petit frère ». C’est incroyable de penser qu’il existe un type aussi dégoûtant
que cela. Enfin heureusement cela n’a pas influencé l’opinion générale.
…
27 juin.- De Tante Guiguite, Soultz à Tilo, El Marco : ... Odile
... Rien à faire, tu le sais, que de la laisser tel un pur-sang aller
au bout de son emballement actuel = vivre sa vie d’indépendance sans pouvoir ni l’arrêter ni encore moins lui
faire changer d’avis. ...
Nous pensons beaucoup à toi ; au temps délicieux de ton court séjour parmi nous, à ta gentillesse
retrouvée, à tes jolies manières de super-civilisé, à ton bon sens, à ton intelligence, à tout ce qui fait le charme de ta
personne que nous aurions aimée garder près de nous.
Nous t’imaginons très occupé dans ta nouvelle tâche où tu vas pouvoir utilement laisser libre cours à ton esprit
d’organisation et d’invention. ...
Tu imagines sans peine l’état de mon esprit et surtout de mon cœur devant la réussite chaque jour affirmée
du mariage de Marc. C’est pour moi un doux apaisement de tous les instants. ...
Mon Ti-ti, nous te regrettons, nous t’aimons de tout notre cœur et nous t’embrassons tendrement, ...
Jeu.27 juil.1950.- De Ghislaine, Santiago à Monique, Paris : ... Je racontais à Odile dans ma dernière lettre que
j’allais donner une fête à Montolín (qu’elle projetait depuis ses 21 ans). Cela s’est passé jeudi dernier
et cela a été vraiment réussi. C’était un diner dansant en robe longue et cela a duré de 9 ½ h.à 6 h.. moins le quart.
Je n’en pouvais plus à la fin mais je me suis amusée comme une folle ainsi que tout le monde je crois. ... (Il y avait plus de 50 personnes.) ...