JUIN 1939.- À bord du « Bodegraven », en voyage pour la France
(Journal de Maman) :
Vend.16.- À 13h ½, après les dernières étreintes de la famille et des quelques
vrais bons amis, assez impressionantes dans ces temps troubles, le Bodegraven levait l’ancre et quittait par beau temps,
lentement, la jolie baie colorée de Valparaíso. …
Sam.17.- Nous sommes à Coquimbo à une certaine distance des quais. La baie
est magnifique : un immense demi-cercle parfait, mais la petite ville semble très pauvre.
... la grande place de la ville pas soignée et bordée d’arbres poussiéreux
et manquant de vie. ...
D’ici quelque temps La Serena sera une très jolie petite ville.
…
Dom.18.- A 21 h nous arrivons à Huasco. Le lendemain matin dès 8h ½ Jean
d’Étigny était à bord pour nous descendre à terre, nous mener à Vallenar visiter les fundos qu’il administre.
Huasco est un petit port joujou composé d’une jetée et d’une rue où s’alignent quelques petites maisons.
Pendant 5 km.ce furent des étendues en friche ... Puis le terrain devint tout à fait accidenté très particulièrement en longues terrasses superposées, assez
hautes pour que le chemin serpente un bon moment avant d’’arriver à de superbes plateaux entièrement cultivés
en orge à nouveau et en luzerne. ... Ce
premier fundo s’appelle La Libertad. ...
Le temps
d’arranger un ressort cassé et nous quittions ce coin frais et plein d’arbres pour une campagne plus aride et
tout le trajet fut ainsi jusqu’au grand fundo La Compañia située sur un magnifique plateau couvert d’eucalyptus
et au loin fermant l’immense vallée une chaîne de montagnes rouges, un coloris très particulier et fort. ...
Nous nous enfonçons maintenant au sud pour aller voir le bétail à l’engrais. Un plateau à perte de vue bordé
de montagnes bleu porcelaine chinoise. Nous stoppons devant le « potrero » des jeunes bœufs et chevaux percherons.
Là se trouvent les « huasos » qui gardent les troupeaux. Le vieux qui nous salue avec sa figure tabac si ridée et
cuite par le grand vent et le soleil, qu’il n’a plus d’âge. Mais quelle allure il a à cheval avec son grand
chapeau de feutre, patiné par combien d’années de poussière, le gros poncho de travail et d’hiver qui est toujours
noir ou marron-beige, les hautes bottes montantes
recouvrant presque la cuisse et les gros éperons à cliquetis qui finissent de garnir si bien le pied. ...
Il y a là une roulotte où il couche car il faut que le troupeau soit gardé nuit et jour et tout près entre trois grosses
pierres brûle un feu car l’hiver commence et le vent est froid : vie simple et dure du pâtre. Une exquise poésie
se détachait de cette campagne. Je la quittais à regrets et serais volontiers restée à bavarder avec le vieux huaso qui sans
s’en douter reflète le vieux Chili qui est en train de mourir.
Jean d’Etigny est à la tête de la grosse société agricole de Rupanco et c’est lui qui administre tous ces
fundos du nord goupés sous le nom de Vallenar et ceux du sud à coté d’Osorno.
...
D’Etigny a tenu avant le goûter à nous faire visiter les plantations d’arbres fruitiers, orangers, pamplemousses,
paltos. Il tint à nous montrer les fameux paltos de Californie qui ont des paltas grandes et très fines, …
Juillet 1939.- De Luis, Córdoba à ses parents, Colón : ... Je vous écrit de Córdoba où nous sommes arrivés
hier soir en auto. Un joli voyage quoiqu’un peu monotone dans cette Pampa qui se ressemble tellement quels que soient
les endroits que l’on traverse. Pourtant on sent partout que l’on est dans un pays civilisé ; la terre est
très proprement cultivée ; des petites stations à essence tous les 30 km.et toutes ravissantes ; des gens charmants.
On voit que le pays est riche.
Aujourd’hui nous avons visité la ville qui a un cachet unique : beaucoup de restes des espagnols,