Mar.20 avr.1982.- De Raymond, Lota 2589 à Mademoiselle le Consul (c’est
la dernière lettre de Papa) : ...
Je m’excuse de répondre si tardivement à votre invitation à participer au déjeuner du 37ème anniversaire
de l’armistice du 8 mai 1945.- Malheureusement ma santé ne me permet plus de participer à ces réunions toujours émouvantes
et si utiles pour maintenir le contact entre nos compatriotes. …
Mar.11 mai.- De Tilo, Augusto Leguía 064 à Guy, 8 rue Georges Citerne :
Mon cher Guy, je veux t’écrire, ne fut-ce
qu’un mot, aujourd’hui même, jour de la mort de Papa. Il s’était cassé le col du fémur le samedi 1er
dans la chambre de Maman, gros choc pour lui dont les forces étaient naturellement bien diminuées. Dès lors il a eu des hauts
et des bas, un point au poumon mais assez bien enrayé, bref nous pensions hier qu’il pouvait s’en tirer. Il était
conscient en général mais parfois inconscient.
Je l’avais quitté à 21h lorsque Ghislaine qui s’était attardée à Lota estimant que les choses se détérioraient,
m’appela un peu avant minuit me prévenant que Papa s’était éveillé,
conscient et venait de lui dire avec sérénité qu’il s’en allait. Il demandait Maman pour lui faire ses adieux
et qu’on prévienne le père Muller. À Maman il lui répéta simplement : je t’aime … je t’aime, puis il pria faiblement
avec le père en s’éteignant peu à peu. Je suis arrivé quelques minutes avant la fin, 0,30 du 10 mai. Je ne pensais pas que cela me ferait aussi mal et j’ai pleuré comme cela ne m’était pas
arrivé depuis mon enfance.
Un épisode aussi à te raconter
est la réunion chez Ghislaine le 3 mai des enfants et petits-enfants ; Luis est de passage ici. La réunion était pour
voir comment réunir les fonds nécessaires pour que les parents continuent à vivre à Lota. Comme les enfants avaient du mal
à joindre les deux bouts, Ghislaine a eu l’idée de réunir les petits-enfants. La discussion fut brève et harmonieuse ;
tout de suite tous furent d’accord. En résumé les petits-enfants dirent aux enfants : donnez l’argent que
vous pourrez, nous ajouterons le reste. …
11 mai.- Homélie de Charles Muller pour la messe d’enterrement de M.Raymond
de Mussy : ... Durant
son agonie alors que s’effaçaient peu à peu les signes de la vie me venaient constamment à l’esprit : «
C’est la mort du juste ». ...
Le Seigneur a permis que sa soudaine agonie fut brève mais illuminée par sa présence.
...
Ses lèvres remuaient distinctement au rythme des paroles, des prières « Âme du Christ » et « Salve Regina »
que nous récitions à son chevet et sa main s’essayait à esquisser le signe de la croix, comme une signature suprême
au bas du livre de sa vie. Et quand les signes précurseurs de la mort commencèrent à l’envahir ses yeux se fixèrent
sur moi avec intensité, peut-être comme un dernier merci à l’Église de laquelle il avait tant reçu de foi, d’espérance
et d’amour. ...
La vie de Raymond de Mussy fut une longue fidélité à Dieu. Il est né au seuil de ce siècle magnifique, tourmenté et
tragique. Il a vécu l’enfer de la première guerre mondiale, la Grande Guerre comme aujourd’hui encore on l’appelle
en France, guerre qui coûta la vie à deux de ses frères tandis qu’un troisième le plus jeune devait tomber sur les champs
de bataille de 1940.
Il a pratiqué le grand commandement de l’amour : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
Plusieurs personnes m’ont dit - et cela corrobore mon propre sentiment – ne l’avoir jamais entendu dire
du mal de personne, ne l’avoir jamais vu vraiment en colère. Lorsqu’il ne partageait pas le point de vue
de son interlocuteur il le manifestait avec un calme, une courtoisie et un respect de la personne qui sont une fleur précieuse,
aujourd’hui plus que jamais, de la charité chrétienne.
Président de l’Union des Français du Chili (pendant plus de 20 ans) il s’acquitta de sa charge de façon
exemplaire, au service de ses compatriotes. On lui doit en particulier sinon la fondation du moins le bon fonctionnement et
le développement de la Maison de Retraite des français âgés, sans famille ou sans ressources suffisantes, qui honore la communauté
française du Chili. À un âge où beaucoup ne songent qu’à jouir légitimement du repos, il dépensa une somme incroyable
de temps, d’énergies physiques et morales au service de cette fondation, de ses besoins matériels et spirituels.
Il connaissait un à un tous les pensionnaires, partageant leurs joies et leurs peines. Son nom sera à jamais conservé
et béni dans ces lieux qu’il a si souvent visités et sa joie était grande de pouvoir y assister à la